Rupture d’égalité toujours et encore ?

Le second tour des élections municipales arrive à grand pas … et malheureusement à bas bruit dans l’opinion.

Après deux mois de confinement, la tête est à un retour à la « normale », à la reprise d’activité et pourquoi pas, à la planification des prochaines vacances d’été.

Alors, dans un planning aussi « chargé », quelle place pour ce second tour ? Doit-on se satisfaire de cette chronique d’une abstention annoncée ou d’un vote par défaut qui, à la force devient totalement toxique 1?

Bien évidemment : non !

Parce que cette élection qui touche au plus près la vie des citoyens les engage pour 6 ans.

Et qu’on ne s’y trompe pas : ce sera 6 ans d’immobilisme à défaut de recul ou 6 ans de renouveau, de défis et d’allant.

Mais comment alors intéresser les citoyens à cette élection si importante pour leur vie de tous les jours ?

Combien vont découvrir le jour du scrutin qu’il y a trois listes à Melun ?

Et pourquoi une telle ignorance ?

Non pas qu’une triangulaire soit, une première en matière d’élection, mais parce qu’entre le 15 mars et le 28 juin, non seulement le temps passé a permis de diluer l’intérêt, mais également et surtout parce que le confinement a – de facto – créé une rupture d’égalité entre les candidats en permettant à certains d’être plus en vue que d’autres.

Dès lors, cela pose la question de l’égalité des candidats et par voie de conséquence, de la sincérité du scrutin à venir.

Certes, le Conseil Constitutionnel, dans une décision récente en date du 17 juin 2020, 2a eu l’occasion de déclarer conforme à l’article 3 de la Constitution 3 le report du second tour des élections prévu par la loi du 23 mars 2020 4 en raison du « motif impérieux d’intérêt général » que constituait la crise du Covid 19.

Mais il est à souligner que les juges de la rue Montpensier laissent au juge de l’élection le pouvoir d’examiner, pour chaque cas d’espèce a posteriori, la question de la sincérité du scrutin de sorte qu’elle est loin d’être tranchée.

En effet, la sincérité du scrutin, implique que le résultat de l’élection soit le reflet exact de la volonté exprimée par la majorité du corps électoral.

Cela signifie que cette libre expression du suffrage implique que l’électeur ait été en mesure de voter en toute sérénité, sans pression ou influence.

Peut-on réellement penser que le résultat du premier tour n’ait pas été impacté par la crise sanitaire du Covid 19 ?

Son abstention massive et historique (73,48% à Melun) n’est-elle pas le reflet de cette pression sanitaire qui a privé nombre d’électeurs du libre exercice de leur suffrage ?

En effet, contrairement à des jurisprudences antérieures 5 , la pandémie que nous vivons actuellement est inédite : elle se caractérise par une ampleur exceptionnelle et n’affecte pas indifféremment toutes les catégories de la population (on sait que certaines tranches d’âges de l’électorat y sont plus vulnérables. Or ce sont ces catégories qui, statistiquement, votent régulièrement !).

Ne risque-t-on pas de vivre ce 28 juin prochain, la même expérience, que celle du 15 mars dernier ? Il n’est en effet, pas inutile de préciser que, jusqu’au 10 juillet 2020, nous sommes toujours en Etat d’urgence sanitaire.

Et qui profitera de cela ?

Le candidat sortant à n’en pas douter.

Pourquoi ? Parce que pendant la période de confinement, inévitablement, ce sont les maires sortants qui ont eu l’occasion – tout en ne faisant que leur travail – de bénéficier d’une exposition médiatique alors que les opposantes, fussent-elles, toujours membres du conseil municipal, n’en n’ont pas eu l’occasion, voire la possibilité.

Cela pose la question de l’inégalité dans les conditions de cette compétition électorale.

Déjà dans les rangs LREM, couleurs du maire sortant, des voix se sont levées pour dénoncer cette rupture d’égalité6.

Cette dernière est, en l’espèce, savamment rentabilisée à défaut d’être orchestrée.

Pourtant nonobstant ces difficultés sanitaires et logistiques, notre liste, son porte-flamme en tête, Ségolène DURAND toujours active malgré l’inertie dominante et imposée, a, et ce dès le 4 avril 2020, participé tant à la distribution de masques7, qu’à des réunions stratégiques en ligne avec les élus de l’agglomération Melun Val de Seine8.

Mais afin de marginaliser son opposante, le maire sortant s’est méthodiquement appliqué à néantiser son action jusqu’à son image même.

Cela s’est traduit par une coupure opportune au montage sur les photos qu’il a fait publier à sa gloire9 ou par l’absence d’invitation aux cérémonies officielles10.

Cela manque à n’en pas douter d’élégance.

Cela manque évidemment de loyauté dans le débat.

Cela manque manifestement d’esprit démocratique.

Ce triptyque a trouvé son expression ultime dans le refus opposé par le maire sortant à la mise en place d’un débat de second tour entre les trois candidats 11souhaité par les candidates des deux listes opposées.

D’une part, ce refus participe de cette volonté évidente de limiter l’exposition médiatique de ses concurrentes et de leurs programmes.

La motivation du refus est symptomatique de cet état d’esprit : le maire n’a pas de temps à perdre à préparer un débat, il est dans l’action… laquelle ?

Autrement dit, du point de vue du maire sortant, le débat démocratique n’est pas essentiel à la vie de la cité.

D’autre part, il permet de ne pas avoir à s’expliquer et à répondre d’un bilan désastreux sur lequel la communication du premier magistrat de la Ville est taisante.

Nul doute qu’il est préférable, pour le maire sortant, d’éviter d’avoir à répondre aux questions relatives à la dette récurrente et abyssale de la ville. 12

En tout état de cause, lorsque l’on voit à quel point cette communication est défaillante et incohérente, on comprend mieux la raison pour laquelle, il a fui le débat.

L’absence d’invitation des têtes de listes encore en lice au 2ème tour aurait été motivée par le respect de la loi !

Où étaient ces « légalistes » le 2 juin dernier place Jacques Amyot 13 ?

Où étaient-ils lors de ces commémorations ?

En effet, si la frontière est toujours tenue entre le maire toujours en fonction et le candidat à sa propre succession – tout candidat sortant en joue nécessairement plus ou moins habilement- il ne pouvait être question de compétition électorale dans « l’affaire des invitations aux commémorations nationales ».

En effet, le choix des personnes invitées à ces commémorations officielles ne relève pas du candidat mais de l’élu.

De ce fait, la présence des deux candidates, de surcroît, membres du conseil municipal, s’imposait. Mais, ainsi que le journaliste de France TV info le mentionne, à deux reprises dans son article, c’est « l’entourage de Louis Vogel », autrement dénommé, « les proches de Louis Vogel » et non les services de la mairie qui tentent de justifier l’injustifiable, impliquant de fait que c’est le candidat et non l’élu qui a pesé sur les choix in fine retenus.

Le Rubicon a été franchi !


  1. Cf article sur les finances de la ville à paraître très prochainement ;-)
  2. DC 17 juin 2020, n°2020-849 QPC
  3. L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

    Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.

    Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

  4. Article 19 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020
  5. CE 11 juillet 2001, Bernard A., n° 342852 concernant l’épidémie H1N1 ; TA La Réunion, 24 septembre 2009, n°0901179 concernant la pandémie grippale ayant touché l’île.
  6. François PATRIAT « Second tour des municipales : il va y avoir une rupture d’égalité entre les candidats » Europe 1, 23 mai 2020 7h17
  7. distribution de masques
  8. https://www.facebook.com/103035647905214/posts/151765853032193/

  9. « Melun : un premier conseil municipal post confinement sous haute tension » Le Parisien 20 mai 2020, 14h06
  10. « C’est le maire ou le candidat qui distribue les masques ? » : on vous raconte le drôle d’entre deux tours des municipales, contaminé par le coronavirus » Francetvinfo 16 juin 2020 06h58 [1] « Municipales à Melun : le maire sortant refuse le débat avec ses deux adversaires 

  11. « Municipales à Melun : le maire sortant refuse le débat avec ses deux adversaires »Le Parisien 15 juin 2020
  12. Article sur les finances de la ville à paraître très prochainement
  13. Article « L’égalité à géométrie variable »